Tremblements

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Hier soir, la terre a tremblé.

Et les séismes frappent toujours plusieurs fois…

Le premier tremblement ne s’est pas fait sentir de tous. Il fallait avoir la télé allumée. Il fallait avoir trouvé le moyen de regarder.

Le deuxième a fait trembler nos lustres, nous a réveillés en sursaut.

Il a fait remonter des peurs que nous avons tenté d’enfuir, des souvenirs encore trop vifs.

Elle a tremblé comme pour nous rappeler que ce n’est pas la première fois qu’elle tremble.

Que nos murs sont déjà tombés.

Que nous avons déjà eu peur.

Que nous avons déjà fui nos maisons après le choc, par crainte d’une deuxième secousse plus forte.

La terre a tremblé comme pour nous dire de ne pas dormir les deux yeux fermés,

De rester prudents, et préparés.

Elle a tremblé pour nous rappeler que, nous aussi, nous avons tremblé.

Que nous tremblons toujours et que rien n’est oublié. Rien n’est du passé.

Hier soir, la terre a encore tremblé.

Comme pour nous dire que nous ne sommes toujours pas en paix.

Le danger est là. Il réside sur notre terre. Il contrôle notre pays.

Il est puissant.

Et comme un tremblement de terre, il nous laisse impuissants.

Nous ne savons que fuir, et puis en rire.

Comment se battre contre un séisme ?

Comment se battre contre l’inconnu ? Comment crier Injustice quand on ne sait pas sur qui pointer le doigt ? Ou quand pire encore nous n’osons pas pointer le doigt.

Hier soir, la terre a encore tremblé.

Comme pour nous rappeler,

Que nous ne sommes pas et n’avons jamais été en sécurité.

Nous avons peur et nous ne savons pas vers où courir.

Nous ne savons pas à qui crier à l’aide, alors nous ne crions pas.

Et si nous crions, nous avons peur d’avoir crié trop fort.

Et si nous crions trop fort, nous avons peur de ne plus jamais pouvoir crier encore.

Je ne crie pas. J’écris.

Et mes mots n’ont pas le pouvoir de changer les choses, encore moins de changer le pays.

Ce n’est pas facile de parler, de réagir. Ce n’est pas facile d’avoir des choses à dire.

Surtout, ce n’est pas facile de crier dans le vide.

Pourtant, ils sont puissants.

Oui, mes mots n’ont pas le pouvoir d’inculper.

Mais mes mots résistent. Parce que je ne suis pas silencieuse.

Ce matin, je me suis encore réveillée avec de la peur pour mes bien-aimés.

Je me suis encore retrouvée inquiète et collée à mon écran.

J’ai encore dû passer des appels pour m’assurer que tout le monde est vivant.

Hier soir, avant que la terre ne tremble, il y a eu un autre tremblement.

Ses conséquences sont plus violentes au Liban, plus dévastatrices.

Ses secousses sont dangereuses et elles feront vibrer notre terre pour longtemps encore.

Hier soir, avant que la terre ne tremble, il y a eu un autre tremblement.

Il y a eu de la vérité et du courage.

Il y a eu des images et des témoignages.

Il y a eu une enquête interdite.

Hier soir, la terre a tremblé.

Comme pour dire que la vraie catastrophe approche,

Comme pour nous dire qu’elle tremblera encore…

– Inès Mathieu