Tic, Tac, Boum?

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Dans un pays où la politique n’est pas laïque,

où la religion a tant d’importance,

où nous cohabitons,

une question se pose forcément :

Qui est majoritaire, et est-ce suffisant pour détenir le pouvoir au Liban ?

C’est un débat qui revient souvent.

C’est un sujet sensible.

Et il fait peur à beaucoup,

à beaucoup de

Chrétiens.

Environ 40% – La minorité…

Moi, je suis chrétienne, et j’ai grandi à Ashrafiyé.

J’ai étudié au Lycée Franco-Libanais de Beyrouth.

J’ai donc forcément grandi dans une bulle du pays.

Et ma bulle était majoritairement chrétienne.

Cela devenait particulièrement évident pendant le Carême :

« Je fais le Carême du chocolat. Et toi ? »,

« Je ne peux pas, je fais le carême. »

« Putain… J’ai cassé mon carême. »

Ce n’est que plus tard que j’ai eu des amis qui faisaient le Ramadan.

Et ce n’est qu’à 17 ans que j’ai été invitée à mon premier Iftar.

Bizarre, pour un peuple qui cohabite.

Plus tard, j’ai compris que la bulle est étroite. Qu’elle est fragile.

Et qu’elle pourrait exploser à tout moment.

Mais autour de moi, l’espoir a toujours triomphé, et personne ne s’est résigné à un pays divisé :

« Le Pilier du pays est notre cohabitation. Et le Liban ne tient debout que par notre communion.

Les Chrétiens du Liban ne partiront jamais. Les Chrétiens du Liban font aussi du pays ce qu’il est.

Les Chrétiens du Liban ne seront jamais traités en minorité. »

Et pourtant…

Pourtant, ils le sont.

Pourtant, la majorité du Liban fait le Ramadan.

Pourtant, nous vivons dans un pays qui a littéralement choisi d’aller contre le temps, de changer les aiguilles, de nous isoler du reste du monde

Pour la religion.

Comment marcher à l’heure de mon pays, quand elle ne fait plus sens ?

Pourquoi marcher à l’heure d’un pays qui ne me prend plus en considération ?

Ma religion n’a jamais été le facteur déterminant de mon identité.

Pourtant, aujourd’hui, j’ai l’impression qu’elle l’est.

La fracture se creuse.

Dangereux est le jour où nos montres indiquent des heures différentes,

Et où nos aiguilles ne tournent plus dans le même sens.

Il y a des choses qui devraient rester laïques.

En temps normal, quand on me demande quelle est la religion officielle du pays, je réponds au pluriel :

Mon pays reconnaît 18 différentes communautés.

Et si aujourd’hui, même l’heure a une religion,

Je me demande,

Est-ce que la bulle vient d’exploser ?

Est-on vraiment en train de cohabiter ?

Devrais-je maintenant répondre au singulier ?

Et toi, sur quelle heure vas-tu choisir de marcher ?

– Inès Mathieu