Nos mains sont déjà sales

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‘Nos mains ne se saliront pas pour eux’

Mes mains sont déjà sales.

Les vôtres aussi.

Noircies par les cendres des rues de notre jeunesse.

Encore ensanglantées par le sang retrouvé.

Sur nos murs, dans nos rues, les rues de Beyrouth,

Sur les visages de nos bien-aimés.

Encore humides par les larmes qui coulent toujours.

Encore cicatrisées par les verres de Beyrouth.

Mes mains ne sont pas propres. Elles ne le seront plus jamais.

Mais si mes mains doivent être sales,

Je veux qu’elles saignent de leur sang. Je veux qu’elles témoignent de ma haine.

Je veux y voir ma souffrance, et la preuve de ma vengeance.

Si mes mains doivent être sales,

Je les veux sales de leur fin.

Pas de celle de ma ville,

Beyrouth n’a pas de fin.

C’est avec ces mêmes mains que je veux reconstruire.

Pierre par pierre, brique par brique.

C’est avec ces mêmes mains que j’écris. Et je ne m’arrêterai pas d’écrire.

Moi je n’ai pas d’armes. J’ai mes mots.

Avec comme seule lame, mon stylo,

Stylo de Beyrouth.

Et si le sang a coulé, l’encre coulera aussi.

L’arme contre la plume.

Il en faut moins pour en mourir au Liban.

Mais mon stylo est tranchant et mes mots ne peuvent être meurtris.

Parce qu’un mot écrit est un mot qui reste. Et je n’ai plus peur.

Je n’ai plus peur.

Moi je n’ai pas de gouvernement, pas de politiciens.

Mon cœur crie Liban, et cela me convient.

Si la nationalité est pleine de honte, je ne me cache pas.

Le Liban est le Sphinx,

Celui qui renaîtra.

Les libanais partis, reviendront.

La chasse commencera.

À eux de courir.

Fuis qui peut, meurt qui reste.

Leurs visages seront oubliés,

Leurs noms plus jamais prononcés.

Et de nos mains sales, nous aurons le poing levé :

Le poing de la Résistance, de la Révolution,

Du 17 Octobre, du 4 Août.

Le poing des victimes, de ceux partis trop tôt.

Le Liban de demain hâte d’arriver.

Nous n’oublions pas,

Nous ne pardonnons pas.

Et nous reviendrons.

• Inès Mathieu