24 Avril 2022 : « Un bateau de migrants coule au large du Liban, où la misère force les gens à fuir ».
Il est triste le jour où l’exilé se retrouve ‘chanceux’ d’être parti,
De s’être envolé confortablement dans un avion vers une terre étrangère,
Passeport en main, et futur assuré.
Il est triste, le jour où l’exil devient un luxe :
Pour ceux laissés derrière d’abord, n’ayant pas voulu abandonner le Cèdre.
Mais aussi pour ceux qui n’attendent que le départ.
Pour ceux-là, ayant déjà été trop patients, la faim n’a fait que croître.
Le pauvre s’est encore appauvri.
Et il est difficile de s’imaginer survivre un jour de plus dans ce pays où le misérable est quotidiennement meurtri.
Il est triste, le jour où avoir un passeport libanais c’est ne plus avoir d’identité aux yeux du monde.
Le passeport ne vaut plus rien, et le départ est maintenant impossible.
Pour fuir avant d’être rattrapé par la faim et par la réalité de la nationalité, il faut être courageux.
5 millions de livres libanaises, pas de bagage, et un bateau.
Il est triste, le jour où le malheureux est passé d’Exilé à Clandestin.
Comme si nous n’avions pas assez perdu, et que les morts injustes n’emplissent pas déjà notre quotidien,
Nous perdons cette semaine encore 9 Libanais, et beaucoup n’ont toujours pas été retrouvés.
Enfants, femmes, et hommes, ayant décidé de tout risquer pour un futur différent de leurs malheureux futurs libanais.
Certains ne savaient même pas nager.
Il est triste, le jour où devenir clandestin et sans papier semble être une meilleure situation que d’être un pauvre libanais.
Tout risquer, pour partir de ce pays.
Mourir, pour avoir osé rêver.
Survivre, uniquement pour être ‘soigné’ sur une terre qui nous a tellement plus blessés.
Être prêt à fuir encore une fois, malgré les cicatrices et les traumatismes.
Il est triste, le jour où l’on préfère mourir en mer que sur sa terre.
Parce que rêver a un prix : une vie.
Et qu’après avoir été volé de tout, il est un prix que seul le misérable paye.
Et alors qu’on profite de notre belle Méditerranée,
Parce que c’est la saison, et que c’est bientôt l’été,
On doit se rappeler,
Que cette mer qui nous accueille dans nos moments d’insouciance,
Engloutit aussi les cadavres pour lesquels elle est devenue cimetière.
À mon habitude, je répète encore une fois :
Si vous pensiez avoir touché le fond, le fond est encore loin.
– Inès Mathieu