Ce matin, je me réveille le cœur lourd.
Je n’arrive pas vraiment à réaliser ce qui nous arrive.
Je n’arrive pas à admettre que quelque chose nous arrive.
Comme à chaque fois, je me calme en me disant que tout paraît pire de loin, que c’est parce que je ne suis pas au Liban que j’ai tellement peur.
Parce que quand nous y sommes, tout paraît surmontable.
Parce que quand nous y sommes, rien ne peut nous arriver.
Rien, parce que s’il nous arrive quelque chose, nous partons sur notre terre, entourés de nos bien-aimés.
Quand on est loin, nous avons la hantise de chaque notification, de chaque appel.
Quand on est loin, notre vie se fige totalement. On imagine le pire, on ne ferme pas les yeux de la nuit. On hurle à nos familles de partir, de nous rejoindre. Toujours, en vain. Quand on est loin, on se sent coupable de tout.
Par-dessus tout, coupables de ne pas y être avec eux.
Coupables de ne pas pouvoir faire plus. Quand on est loin, nous craignons de rentrer dormir, par peur de se réveiller avec de pires nouvelles. Quand on est loin, chaque seconde pèse lourd.
Ce matin, je me réveille le cœur lourd.
Je me demande comment nous en sommes arrivés là.
Pourtant, nous le savons tous déjà.
Nous en sommes arrivés là parce que le monde a décidé qu’il y a des crimes qui ne sont pas punissables,
Qu’un massacre n’est pas toujours un crime,
Qu’un enfant mérite parfois de mourir,
Qu’un pays mérite parfois d’être effacé.
Qu’un peuple doit parfois être totalement exterminé.
Nous en sommes arrivés là, parce que la justice n’est pas un principe à portée universelle.
Nous en sommes arrivés là parce que le monde a décidé de fermer les yeux sur un monstre qui grandit.
Un monstre qui ne s’arrête devant rien ni personne,
Un monstre pour lequel aucune loi ne s’applique.
Here’s the continuation of the transcription for the remaining screenshots:
Le monde a décidé que 75 ans d’oppression, ce n’était pas assez, pour juger quelqu’un coupable de crimes contre l’humanité. Ou parce que justement, il en a été accusé et est encore en position de décider de détruire encore et de tuer plus.
Nous en sommes arrivés là parce que témoigner,
En direct
Pendant une année entière,
Des pires atrocités
Par des coupables qui ne se sont jamais masqués,
N’était pas assez pour inculper.
Nous en sommes arrivés là, parce que nous sommes un pays du Moyen-Orient.
Parce qu’il n’y aura jamais assez de morts, tant que nous sommes encore vivants.
Parce que notre langue fait peur. Parce que notre existence fait peur.
Nous en sommes arrivés là parce qu’il est facile de passer pour la victime quand on attaque un Arabe. Il est facile de le brandir comme terroriste.
Il est facile de prétendre que nous sommes tous armés,
Tous assoiffés de vengeance, tous prêts à tuer.
Nous en sommes arrivés là parce que nous vivons dans un monde qui ne nous donnera jamais le bénéfice du doute.
Coupables jusqu’à être prouvés innocents. Sauf que l’Arabe n’est jamais innocent.
Ce matin, je me demande comment nous en sommes arrivés là.
Par-dessus tout, je me réveille indignée.
Indignée de recevoir des messages de soutien et des appels pour s’assurer que ma famille va bien.
Indignée de me retrouver dans une situation qui aurait pu être évitée, si les coupables avaient été correctement stoppés.
Indignée, parce que je me demande :
Où étiez-vous pendant toute cette année ?
Avez-vous pensé qu’il n’y allait avoir qu’un seul peuple sacrifié ?
Nous avons crié à tous les toits que c’est un ennemi que nous connaissons déjà trop bien.
Nous vous avons montré en direct de quoi il est capable, et jusqu’où il est prêt à aller.
Ils nous ont meurtris, torturés et au passage, ont quand même tenté de nous culpabiliser.
Il est inconcevable de savoir que la justice s’applique partout, sauf sur nos terres.
Que les droits internationaux sont internationaux partout, sauf sur nos terres.
Les coupables et leurs complices se regroupent autour de tables pour “discuter”.
Ils prétendent chercher solutions et résolutions,
Dans un conflit qu’ils ont financé et causé. Dans un conflit qu’ils ont regardé “s’intensifier” en direct.
Et nous attendons, comme des animaux étourdis avant qu’on les abatte.
Nous les attendons, comme si celui qui tire la balle est aussi capable de soigner la plaie.
Je refuse que le Liban soit victime du même sort que nos voisins.
Je refuse que le Liban soit la victime du même bourreau.
Je refuse qu’on devienne votre prochaine mission humanitaire.
Je refuse qu’on devienne votre prochain combat.
Nous ne plaiderons pas pour votre intérêt, pour votre humanité.
Je refuse que le Libanais soit le prochain visage contre ce régime de la terreur.
Je refuse que vous chantiez des slogans en nos noms,
Ou que vous manifestiez en notre honneur.
Je refuse vos prières et vos bonnes pensées.
Je refuse, et pourtant,
Je témoignerai de tout cela,
Impuissante et humiliée,
Parce que nous vivons dans un monde qui aime se révolter,
Quand c’est déjà trop tard,
Quand les morts sont déjà enterrés,
Quand 500 vies nous ont déjà été volées.
Nous vivons dans un monde qui se résigne après le massacre.
Je refuse,
Parce que nous sommes seuls et abandonnés de tous.
Je refuse, parce que
Vous ne méritez pas de vous sentir justicier,
De dormir apaisés, en vous répétant que vous avez choisi le bon côté de l’histoire.
Je refuse votre intérêt aujourd’hui, quand vous n’avez pas été indignés par vos gouvernements.
Je refuse votre intérêt quand vous avez donné un gramme d’importance à une entité terroriste, quand vous leur avez donné l’espace de défendre l’indéfendable et de justifier l’injustifiable.
Des années de silence vous ont retiré le droit de parler aujourd’hui.
Votre silence a été pesant. Regardez où nous en sommes arrivés.
Aux Libanais qui me lisent,
Je répète ce que nous savons tous.
Quand le Liban est attaqué, nous sommes tous attaqués.
Quand un Libanais meurt, nous allons tous le pleurer.
Comme une vie est volée à l’un, elle est volée à tous.
Le jour où une entité étrangère pense pouvoir nous convaincre qu’il y a une différence entre un Libanais du Sud et un Libanais du Nord n’existera pas.
Aujourd’hui, peu importe les conflits internes auxquels nous faisons face,
Il n’y a qu’un seul et unique ennemi. C’est le seul ennemi qui compte.
Il parle une autre langue, et vient d’une terre volée.
Il s’approprie notre culture, notre musique et nos oliviers.
C’est celui qui aime crier à l’aide alors que ses mains sont ensanglantées,
Celui qui porte l’uniforme de l’armée la plus “humaine”.
Une armée qui a su redéfinir le sens de l’horreur.
Aux Libanais, courage.
Baddkon Terja3o Marfou3in El Rass
Vous reviendrez la tête haute.
– Inès Mathieu