Deux ans depuis le 4 août 2020.
Nous avons encore mal. Tellement mal.
J’ai peur.
J’ai peur parce que le temps passe, et qu’il passe vite.
Je crains d’oublier un jour ce que je ressens aujourd’hui.
Je crains que cette date se perde parmi les autres, et qu’elle perde sa signification.
Il y a un an, aujourd’hui, je marchais avec les familles des victimes, drapeau de mon pays sur mes épaules.
Il y a un an, malgré ma frustration et ma colère,
Malgré les traumatismes que ce jour rappelle,
Malgré les blessures qui se réouvrent,
J’étais apaisée d’être entourée de mon peuple.
Apaisée parce que je n’étais pas seule.
Parce que nous savions tous ce que représente le 4 août.
Parce que cela faisait un an que nos vies à tous avaient changé à jamais.
Aujourd’hui, deux ans depuis le 4 août 2020.
Aujourd’hui, je ne suis pas chez moi.
Je suis à Londres, dans un appartement dont les vitres ne me sont jamais tombées dessus.
Entourée de murs intacts, dans une rue qui n’a jamais tremblé.
Je regarde les gens vivre, comme si de rien était.
Parce que pour eux, le 4 août ne veut rien dire.
Il n’est de pire solitude que celle de ne pas être au Liban en ce jour malheureux.
Il n’est de pire douleur que celle d’avoir mal toute seule.
Il n’est de pire tragédie que celle du 4 août 2020, et de tous les 4 août qui ont suivi et qui suivront.
Aujourd’hui, deux ans depuis le 4 août 2020.
Aujourd’hui, plus que les autres jours,
Du Liban ou d’ailleurs,
Nous sommes en deuil.
– Inès Mathieu