Ce qu’on ne t’a pas dit

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Aujourd’hui, je n’écris pas en tant que Libanaise.

J’écris en tant que femme.

Il y a ces idées, ces questions qui me tracassent l’esprit depuis quelque temps.

Et je ne sais quoi en faire.

Alors je les écris, en espérant que ça résonne peut-être avec celles qui me lisent.

Quand j’étais une petite fille, on m’a beaucoup menti.

De petits mensonges : le père-noël et la petite souris.

De plus grands : Tu es une fille mais tu peux rêver grand.

Tu peux parler fort et prendre de la place.

Tu peux ne pas être d’accord, et avoir tes propres opinions.

Tu n’auras besoin de personne, parce que tu es capable de tout.

Tu es une fille, mais le monde peut t’appartenir.

Tu es une fille, mais tu es intelligente, forte et ambitieuse.

Tu es une fille, mais…

Ils ne sont pas là les mensonges.

Tout ça, ce sont des réalités.

On m’a menti parce qu’on ne m’a jamais dit qu’à 21 ans j’allais me questionner autant.

Que ces sujets n’allaient pas être une vérité générale,

que souvent j’allais me demander si je suis peut-être trop forte, ou trop indépendante.

Inès, tu étais une fille mais maintenant tu es une femme.

Oui, le monde peut t’appartenir.

Mais tu rêves aussi de tes futurs enfants, de ta future famille.

Tu es une femme qui rêve depuis petite de son mariage.

Une femme qui veut la robe blanche et les fleurs,

l’alliance et l’amour.

Tu es une femme moderne, et pourtant, tu aimes les traditions.

Tu aimes cette idée de tendresse, de douceur, de confort, de délicatesse qu’une femme a toujours représenté pour toi.

Tu aimes ce côté maternel que tu retrouves déjà en toi.

Émasculés par la société, ils recherchent le traditionalisme à la maison.

Ils recherchent La Femme À Marier.

Et je me demande : Qui est-elle ?

Ce n’est pas la femme qui n’est pas capable de tenir une conversation.

Mais ce n’est pas celle qui la monopolise.

Ce n’est pas celle qui n’a pas d’ambitions.

Mais ce n’est pas celle qui ne voudra jamais sacrifier sa carrière pour rester à la maison.

Ce n’est pas celle qui n’insiste pas pour payer.

Mais ce n’est pas celle qui insiste trop, et qui n’aime pas se faire inviter.

Ce n’est pas celle qui se laisse marcher sur les pieds.

Mais ce n’est pas celle qui veut dépendre de personne.

Elle doit être difficile, presque inatteignable.

Elle doit être intouchée, pure.

Elle doit être l’exception, la perle rare.

La Femme À Marier, en 2023 : la même que depuis toujours.

Elle est coquette et très jolie.

Elle doit être au côté de son homme, malgré tout.

Elle doit le pousser haut, et l’encourager à réaliser ses rêves.

Même si cela veut parfois dire qu’elle devra mettre ses propres rêves de côté.

Elle doit savoir prioriser.

Elle doit toujours trouver le moyen de rentrer à la maison avant lui pour assurer le dîner, et pour que la maison soit impeccable à son arrivée.

Elle doit lui dire ce qu’elle pense que quand les portes sont fermées, dans la discrétion.

Et en signe de respect.

Elle doit lui faire confiance, et ne pas poser trop de questions.

Mais elle doit aussi être assez mature pour pouvoir éventuellement pardonner une indiscrétion.

Elle doit être souriante et joyeuse.

Accueillante.

“The one that transforms a house into a home.”

Elle doit s’occuper des enfants, sans jamais négliger son homme.

Être aux petits soins de tous.

Et oublier les siens souvent.

Tu es une femme de 21 ans et tu réalises déjà qu’il y a des choses qu’on ne remarque pas quand on est une petite fille avec une grande imagination et de grandes ambitions.

Tu aimes la féminité de la femme,

Et son indépendance aussi.

Et alors, tu comprendras vite que pour que ces choses coexistent, tu devras faire des compromis.

Compromis.

Le mot qu’on ne t’a pas répété assez souvent, et celui sur lequel va se baser ta future vie.

On ne t’a pas dit qu’être femme c’est beaucoup de sacrifices.

C’est faire semblant de ne pas pouvoir attraper l’assiette trop haute dans le placard, alors que tu l’as placé là toi-même.

C’est faire semblant de ne pas pouvoir ouvrir le bocal que tu ouvres tous les soirs pour le dîner.

C’est choisir de te taire quelques fois, pour ne pas toujours le contredire.

Faire comme si tu ne savais pas, alors que tu savais tout ça déjà.

C’est pardonner, alors que tu sais qu’il ne te pardonnera jamais la même chose.

C’est être patiente, alors qu’il ne veut jamais vraiment patienter.

C’est t’estimer heureuse d’avoir trouvé le minimum : un homme loyal et attentionné.

Ce n’est plus donné.

Et d’avoir donc l’impression de devoir lui donner le maximum.

C’est te sentir coupable d’avoir d’autres priorités que ton homme,

Coupable d’avoir les mêmes priorités qu’un homme.

Le monde a pourtant beaucoup évolué.

Cette évolution, un cadeau empoisonné.

La femme a, aujourd’hui, plus de place.

Elle a des droits. Elle a une voix.

Et alors que le monde devient plus progressif, il est clair que les hommes se sentent plus en danger.

Ce qu’on ne t’a pas dit, c’est que la princesse, même indépendante,

ne prend pas le premier venu.

Elle attend l’homme charismatique, fort et protecteur.

Et si le monde évolue encore, alors il n’y aura plus de princesses et de princes.

Cendrillon ira au bal toute seule, et Aurore continuera sa sieste paisiblement.

Les petites filles rêveront de leurs futurs bureaux et de leurs grandes carrières.

Et les petits garçons n’oseront même plus rêver,

par peur d’être jugés sexistes d’avoir osé rêver plus grand qu’une fille.

Beaucoup de stéréotypes sont encore dominants dans notre société.

Et je me demande, moi,

qui suit une femme moderne et ouverte d’esprit :

Est-ce normal qu’ils me paraissent encore sensés ?

Je veux être l’épouse et la maman.

Je veux être confort, douceur et tendresse.

Je veux aussi la carrière et une sorte d’indépendance.

Je ne veux pas, un jour, réaliser que je me suis perdue dans cette vie

que j’ai toujours imaginée.

Si j’écris aujourd’hui, c’est parce qu’à peine 21 ans,

ce sujet me tracasse déjà l’esprit.

Alors qu’on applaudissait mon caractère,

et que le ciel n’avait pas de limites,

Aujourd’hui,

Un seul mot :

Compromis.

Ma voix peut être forte,

mais je ne dois jamais crier.

Mon corps m’appartient,

mais mes jambes doivent toujours être croisées.

Ma carrière est entre mes mains,

jusqu’à la maternité.

Et j’ai beau répondre à tous ces stéréotypes avec mon doigt d’honneur,

je devrai le baisser calmement pour que l’alliance me soit glissée sur l’annulaire.

Je choisirai mes fleurs,

et changer le monde ne sera plus nécessairement une de mes priorités.

Et puis, la prochaine attrapera le bouquet que je viens de lui jeter…

J’écris, parce que, simplement,

je ne suis qu’une femme de 21 ans.

Et alors que ces sujets m’ont toujours paru lointains,

trop arriérés aussi,

je réalise qu’ils sont d’actualité.

Et qu’une jeune femme doit déjà commencer à penser…

Quels compromis est-ce que je veux bien faire ?

Est-ce que je veux faire des compromis ?

Quelles sont les limites que je ne veux pas dépasser ?

Quelle femme est-ce j’ai envie d’être réellement ?

De devenir ?

Oui, ce sont des sujets qui paraissent lointains quand on n’a que 21 ans.

Mais ce sont des questions importantes.

Parce que nous ne sommes plus de petites filles.

Parce que nos rêves commencent déjà à se réaliser.

Parce qu’on pourrait rencontrer le prince charmant demain,

et que ce texte pourrait bientôt devenir notre réalité.

Inès, ce qu’on ne t’a pas dit, c’est que la vie n’est pas toujours un conte de fées.

S’ils vécurent heureux pour l’éternité,

c’est parce qu’ils ont fait preuves de concessions et de sacrifice.

De patience, de maturité.

Ce qu’on ne t’a pas dit, c’est qu’il faut choisir prudemment :

un prince charmant qui te poussera à trouver tes propres ailes

pour que tu puisses voler à ses côtés éternellement.

– Inès Mathieu