‘Les murs de la petite patrie ont fini par se lézarder, des élégantes toitures jusqu’aux fondations. Plus rien ne ressemblait à ce qu’on avait voulu bâtir, et plus rien ne fonctionnait convenablement.’
– Amin Maalouf.
Et pourtant…
Pourtant, qu’est-ce que tu es belle,
Beyrouth.
Il ne me serait pas difficile
En marchant dans tes rues
De ne voir que ce qui m’a fait fuir.
Mais je n’y arrive plus.
L’incohérence de ton chaos laisse place à ce charme, si propre à toi.
Je me surprends, quelques mois après mon départ, à t’admirer, Beyrouth.
Et alors que je te pensais morte, tu revis.
Tu reprends souffle.
Tu nous laisses respirer de ton air, alors que nous t’avons fait mal.
Tellement mal…
La distance est toujours agonisante parce qu’elle me fait réaliser à quel point je tiens à toi, Beyrouth.
Et mon retour me confirme que j’ai beau te fuir ou t’en vouloir,
Je reviendrai toujours.
Je n’aimerai jamais un pays comme je t’aime.
Je ne retrouverai refuge que dans tes bras.
Et je te pardonnerai toujours.
Je respire ton air, Beyrouth…
Des quatre coins du monde, je respire ton air.
Je parlerai toujours tes langues.
Et je ne laisserai pas le 4 Août te définir.
Parce que tu es tellement plus.
Beyrouth, je suis désolée.
Désolée d’avoir oublié pourquoi je t’aime tant.
J’ai laissé les horreurs t’assombrir.
Je me suis laissée te détester.
Mais Beyrouth,
De ta mer à tes montagnes,
De tes habitants, jeunes et plus âgés,
De tes murs cicatrisés par la guerre et l’après-guerre,
De tes multiples destructions et reconstructions,
Je t’aime.
Pour tant de choses, Je t’aime.
Toute ma frustration, ma colère, ma haine, mon dégoût,
C’est parce que je t’aime.
Te voir brûler me brûle.
Et j’ai souffert de te voir en cendres.
Mais comme une fleur au Printemps, tu refleuris.
Tu renais toujours plus belle.
Le soleil te fait briller, Beyrouth.
Alors qu’on pensait ne plus pouvoir t’aimer, nous t’aimons toujours plus.
Parce que tu es si facile à aimer, Beyrouth.
Et toujours plus difficile à quitter.
Beyrouth,
Nous sommes tiens, et tu es nôtre.
Reconstruis-toi, je t’en prie.
Nous revenons.
– Inès Mathieu