À peine hier, j’écrivais que mes matins ne s’accompagnent plus d’inquiétudes.
Je me pensais reposée.
Mais le répit n’a pas sa place dans le cœur d’un Libanais.
La frustration, la rage, la haine
Vont désormais de soi avec notre nationalité.
J’ai honte de ces images, et des messages que je reçois.
J’ai honte, un an après, de devoir encore appeler
Mes proches pour savoir s’ils sont en sécurité.
Nous berçons nos enfants dans le bruit des tirs.
Mon cœur crève de voir notre future génération,
Réfugiée sous les tables sur lesquelles nous avons étudié.
Les couloirs de mon enfance, ceux dans lesquels j’ai ri, aimé, rencontré mes amis,
Sont maintenant réduits à des abris.
Nous envoyons nos enfants à l’école pour leur assurer un meilleur futur,
Un futur plein d’opportunités.
Pourtant, ce matin, nous devons venir les récupérer,
Des établissements où ils devraient être protégés.
Leurs visages sensés arborer des sourires et des rires,
Maintenant Portrait de la terreur,
Une enfance terrorisée…
Les écoles du Liban représentent le futur Libanais.
Elles protègent l’innocence, nous pointent le bon chemin,
Nous apprennent à former un raisonnement, à développer un esprit critique.
Mais comment avoir espoir dans une future génération
Qui assiste depuis maintenant plus de deux ans à cette animosité ?
Quel exemple leur donnons-nous, en leur faisant vivre dans cette agressivité ?
Et tout ça pour quoi ?
Pour avoir cherché la vérité.
Parce qu’au Liban, le plus grand crime est la quête de la justice.
Parce qu’au Liban, une fois que nos morts sont enterrés,
La page doit être tournée.
Nous ne pointons plus des doigts les coupables,
Nous les regardons pointer leurs doigts vers le ciel.
Une main vers le haut, bons martyrs de Dieu,
L’autre abritant une arme,
Sensée prêcher les paroles de ce même ‘Dieu’.
Peut-être faudrait-il croire à leurs discours.
Nos morts auront au moins perdu la vie pour une raison,
Et peut-être pourrons-nous retrouver le sommeil,
Reposés.
Non. Je ne réussis même pas à faire semblant.
Le Liban ne ressemble pas à vos armes.
Le Liban ne nous bercera jamais de vos slogans répugnants.
Vous ne nous faites pas peur.
Ce matin, des Libanais ont perdu la vie,
Des enfants ont vu leurs écoles se transformer en refuge.
Parce que des moutons ont décidé de manifester,
Contre
La justice.
Je ne fais plus le deuil de mes morts,
Je fais le deuil d’un Liban que nous avons jadis connu,
D’une enfance magique qu’il a su m’offrir.
Je fais le deuil des ambitions du cèdre,
De la gloire libanaise.
Le pays coule.
Nous assistons au début de la fin.
Parce que si vous pensez avoir touché le fond,
Le fond est encore loin.
À peine hier, j’écrivais que mes matins ne s’accompagnaient plus d’inquiétudes…
– Inès Mathieu